A l’aube de toutes les aubes, dans le néant du brouillard sans commencement et sans fin, on raconte que peu de temps avant la création du monde, des âmes de vieillards qui n’avaient pas encore foulé du pied la Terre, ont entendu puis répété à leurs enfants qui à leur tour ont répété aux enfants de leurs enfants ce que vous allez entendre. C’était au temps des infinis possibles où les bêtes parlaient, où le vent s’exprimait encore ; cela se passait dans un autre pays, loin, très loin, au temps des rêves, au temps des jours brefs et des soirs longs. En ce temps-là, le monde n’existait pas encore. En ce temps-là, dix sept heures durant, le monde était blanc. Dix sept heures durant, les esprits de la nature et de la création scrutaient un invisible horizon, fascinés par ce territoire immense et vierge chaque jour à investir. C’était le temps de l’Esquisse, le temps du silence que vient briser le geste. Chaque jour à la même heure, sept coups de tonnerre retentissaient et le brouillard se dissipait. Le Vent s’engouffrait alors par la porte et survolait les lieux qui lui étaient familiers, les contemplait d’un regard nouveau. Dans son égarement géographique, ayant perdu la boussole, le Vent, à l’écoute des signes, goûtait au plaisir, angoissant d’abord, mais au plaisir pourtant, de s’égarer en un lieu, en un monde où il est impossible de se perdre vraiment.
Sans doute voit-on mieux les lieux quand on s’y perd...
commencer la lecture